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12/04/2014

Famille, GPA : propos incohérents d'un anthropologue

société,famille

 

 

 

 

Pour relancer la fuite en avant, offensive pro-GPA dans les médias... Ainsi les propos de Maurice Godelier ce matin : 

 


 

Octogénaire, ex-directeur scientifique du Musée de l'Homme, Maurice Godelier est un grand anthropologue (initialement spécialiste de la transmission lignagère chez les guerriers montagnards de Papouasie-Nouvelle-Guinée). C'est aussi l'un des rares vrais intellectuels encore liés à la gauche de gouvernement. D'où l'intérêt de son intervention, à l'heure où François Hollande cherche sourdement à relancer le show ''sociétal'' qui lui sert à masquer sa catastrophe sociale...

Godelier donne ce matin à Libération un entretien qui est un mélange de lucidité et de points aveugles. Selon le journal, l'anthropologue ''déconstruit l'a-priori qui voudrait que la parenté soit le fondement de la société'' : formule balourde, avouant ce qui se cache derrière le slogan officiel de ''prise en compte des nouvelles parentés''. Que dit en réalité Godelier ? C'est intéressant, complexe, lacunaire et contradictoire. Extraits (et mes commentaires en rouge) :

 

<<  Pour ces opposants (à la loi Taubira), principalement issus des couches chrétiennes, le mariage est un sacrement, l'union d'un homme et d'une femme devant Dieu et en Dieu... >>

 [ Si beaucoup de ces opposants sont des chrétiens, ce n'est pas sur ce terrain qu'ils situent leur opposition : mais sur celui de la nécessaire bipolarité parentale homme-femme dans l'autoconstruction psychologique de l'enfant. Godelier n'aborde ce point à aucun moment de son entretien. ]

 

 <<  [Que la famille soit le fondement de la société] est une erreur théorique fondamentale... La famille ne vous donne pas un aéroport, une armée ou un portable. Ce qui fait exister une société, ce sont  les rapports sociaux qui instituent la souveraineté d'un certain nombre de groupes humains sur un territoire, ses habitants, ses ressources... Les rapports fondant une forme de souveraineté, en même temps qu'ils instituent une société, englobent, traversent et subordonnent les liens et les groupes de parenté propres à cet ensemble... >>

[ Oui, les formes familiales changent avec les époques et les civilisations, et elles sont ''subordonnées'' par la souveraineté politique. Cependant : a) la négation de la bipolarité homme-femme est une posture idéologique, elle ne fait pas partie de l'évolution des formes familiales ; b) il y a une situation sans précédent créée par le capitalisme tardif : la dissolution progressive de toute souveraineté politique au profit de la société de marché, qui dicte ses moeurs ; c) ''l'aéroport'', ''le portable'' ? Godelier se fait une idée de la société que ne renieraient pas Montebourg et Pellerin. ]

 

<< Aujourd'hui, le mariage n'est plus une condition nécessaire pour fonder une famille... Le couple ne fait plus famille. Et plus d'un tiers des unions se terminent au bout de sept ans en moyenne par une séparation ou un divorce par consentement mutuel. D'où la multiplication des familles recomposées ou monoparentales où, dans 95 % des cas, c'est une femme seule qui élève ses enfants... >>

[ C'est patent. Mais d'où cela vient-il ? ]

 

<< Notre système économique […] agit sur les liens de parenté en promouvant l'individualisme du chacun pour soi et en marginalisant les pratiques de solidarité. Les crises qui se prolongent ont enfoncé des populations entières dans la pauvreté ou la précarité, ce qui influe négativement sur les relations entre adultes, et entre parents et enfants... Les difficultés à exercer une autorité sur des enfants ou des élèves ne viennent pas seulement des parents ou des professeurs, car l'individualisme promu par le système où nous vivons joue simultanément sur toutes les institutions : famille, école, entreprise, etc. Ainsi que sur chacun d'entre nous. >>

[ Godelier a raison là-dessus. La dislocation des familles ou celle de l'école sont des effets du capitalisme tardif : c'est la dérive totalitaire du libéralisme, selon l'expression de Schooyans.... Des opposants à la loi Taubira commencent à le comprendre, notamment du côté des Veilleurs ; même si d'autres (encadrés par les chiens de la blogosphère libérale) restent dans le troupeau et ''chérissent les causes des effets qu'ils déplorent''). ]

 

 

...Mais après ces observations lucides, Godelier montre ses points aveugles.

1. Matérialiste par idéologie, il amalgame les mythologies antiscientifiques de la procréation avec l'idée spirituelle de l'âme et du salut, comme s'il s'agissait de deux pensées du même ordre  (ignore-t-il à ce point la théologie chrétienne?) :

<< Dans une société matrilinéaire, seule la femme est génitrice, le sperme nourrit seulement le foetus que fabrique la mère […] Et depuis près de deux mille ans, pour les chrétiens, les rapports sexuels dans le mariage ne suffisent pas non plus à faire complètement un enfant. Il faut que Dieu intervienne pour introduire dans le foetus une âme qui va immédiatement être entachée par le péché originel transmis depuis Adam et Eve, d'où la nécessité de la laver par le baptême […] Ce n'est plus la vision que nous présente la science du vivant... >>

 

2. Par idéologie aussi, il oublie ce qu'il vient de dire sur les effets du système économique... et fait l'apologie de l'industrie biotech, qui permet de masquer la bipolarité homme-femme, de brouiller la filiation et d'instaurer le commerce des mères porteuses :

<< Ces technologies offrent des perspectives inédites. Jamais aucun mythe [ il pourrait dire : jamais aucune culture dans l'histoire de l'humanité ] n'a envisagé que deux femmes fassent un enfant... La science moderne a offert cette possibilité et les couples s'en sont emparés...  [ Par ailleurs, ] les mères porteuses, c'est un élargissement de la parenté. L'Etat doit donner un cadre juridique à cette pratique et l'autoriser. >>

 

Cette dernière phrase est la conclusion de l'entretien, réalisé – comme par hasard – alors que le gouvernement fait publier le rapport Théry et confie la Famille à Mme Rossignol, maximaliste du LGBT... Organe central de cette idéologie, Libération a voulu lui trouver une caution scientifique ; Maurice Godelier s'est plié à cet exercice ; d'où l'entretien, qui omet certains aspects essentiels de la question – et qui désactive, dans ses quatre derniers paragraphes (à la gloire du biotech), le diagnostic qu'il posait pourtant au paragraphe 4, sur le rôle du capitalisme tardif... dont le biotech est un fer de lance ! Voilà comment fonctionne l'intelligentsia en 2014.

 

 

Commentaires

SOMMET D'ESPRIT MATÉRIALISTE

> Sommet d’esprit matérialiste, cette déclaration de Maurice Godelier, touchant le rôle structurant des familles pour la société : « La famille ne vous donne pas un aéroport, une armée ou un portable. » La famille produit des enfants, qu’elle conduit à l’âge adulte. Rien que ça ! Mais pour tous les bobos nombriliques et autres techno-maboules qui nous gouvernent, ça ne vaut pas certes pas Ayrault et Vinci à Notre-Dame des Landes, Hollande et Le Drian chefs de guerre au Mali ou Montebourg et Sapin mettant leur nez dans le rachat de SFR !
Comment rendre à tous ces chosificateurs de l’humain le sens des réalités ? Sûrement en leur rappelant, sans relâche, à temps et à contre-temps, ce que c’est qu’un enfant, et la responsabilité qui nous incombe d’aimer et de servir la vie de cet enfant, de sourire à cette vie. Je m’inquiète pour M. Godelier. S’il a été papa… Vous imaginez : des frères et sœur prénommés Aéroport, Armée et Portable…
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Écrit par : Denis / | 12/04/2014

GPA

> Si j'ai bonne mémoire, il a dit devant la commission de l'Assemblée Nationale qu'il était pour la GPA ainsi qu'Elisabeth Badinter interrogée en même temps que lui. Françoise Héritier toujours d'après mon souvenir - à la même séance que j'ai visionnée - était plus réservée sur ce point précis.
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Écrit par : Roque / | 12/04/2014

CONTRE L'UNITÉ DE L'HOMME ?

> Comme c'est bizarre : "Valeurs Actuelles" sonnantes et trébuchantes de la semaine dernière chantait les louanges de l'ouvrage de Godelier : "Lévi-Strauss". Le journaliste, Jean-François Gautier écrit ceci : "A bien lire Godelier (...) l'unité proclamée de l'homme en général a tous les caractères attribués aux mythes par les spécialistes". Si je comprends bien ce qu'on entend ici par "mythe", les "structures élémentaires de la parenté" de Lévi-Strauss sont à mettre aux oubliettes au profit des déstructurations élémentaires de l'ultra-libéralisme mercantile. Vive le progrès !
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Écrit par : Isabelle / | 12/04/2014

RATIONALITÉ DÉLIRANTE

> Pour formuler les choses plus clairement, Maurice Godelier veut dire qu’aujourd’hui la famille et les relations de parenté ne totalisent pas l’ensemble des rapports sociaux ; que dans les sociétés modernes et contemporaines, l’Etat et le Marché (les deux font la paire) tendent à s’approprier beaucoup de compétences qui relevaient primitivement de la famille. Effectivement, c’est vrai. – mais ce banal constat ne justifie pas le mariage « pour tous », l’adoption des enfants par des couples de même sexe, la GPA, la PMA.

Maurice Godelier décrit assez bien ce qui caractérise une société avec Etat par opposition aux sociétés sans Etat ou chapeautées par un pouvoir faible : « Les rapports fondant une forme de souveraineté, en même temps qu'ils instituent une société, englobent, traversent et subordonnent les liens et les groupes de parenté propres à cet ensemble... » Rien à redire. Sauf que le problème, c’est la logique jusqu’au-boutiste qui conduit l’Etat capitaliste à nier tout fondement propre aux liens de socialité primaires et a accepter l’éclatement des corps intermédiaires, leur assujettissement complet par l’Etat et le Marché. Ce qui nous menace, c’est bien la reconfiguration de l’ensemble du réel en fonction d’une rationalité Etatiste-économiciste proprement délirante.
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Écrit par : Blaise / | 12/04/2014

DÉVOIEMENT

> On a ici un discours typique d'une "anthropologie" dévoyée, complètement esclave de la pensée statistique. Les idées à hauteur d'homme sont supprimées, remplacées par des considérations qui se veulent rationnelles, techniques, cartésiennes jusqu'au délire - jusqu'au détriment même de ce qu'on voudrait décrire, analyser, et qu'on entraîne de la sorte, d'un mouvement brusque et fatal, vers un néant tout aussi destructeur que bien des idéologies perverses du passé. Tout ça par goût pour le "progrès" ou l' "objectivité" de la science !
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Écrit par : jem / | 13/04/2014

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